Rencontre avec Camille Bui
Frederick Wiseman, nos humanités • Chapitre 2

À l’occasion de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque du documentaire portée par la Bpi, voici une séance organisée autour du film Public Housing. En présence de Camille Bui (enseignante-chercheuse et critique, elle a notamment publié en 2018 Cinépratiques de la ville – Documentaires de l’urbanité après Chronique d’un été) Séance dans le cadre des programmations de la Cinémathèque idéale des banlieues du monde.

Le quotidien de l’ensemble d’habitations sociales Ida B. Wells à Chicago. Wiseman filme ce ghetto noir miné par la pauvreté, la drogue, la violence ; l’envers complet du rêve américain, où le lieu de consommation du quartier est une forteresse grillagée, impénétrable. La lutte contre l’exclusion, pour l’entraide et la dignité tente néanmoins de faire face à la désespérance sociale. Film de l’ensemble “Fatale société ?” Par sa construction en huis clos dans une boucle temporelle proprement infernale et sa tonalité beckettienne, Welfare est une pièce maîtresse wisemanienne à propos des “damnés” de la société étasunienne. Cette idée fait retour avec Public Housing et le diptyque Domestic Violence, où les maux – pauvreté, addictions, violences, instruction et éducation défaillantes – sont autant de pièges se refermant sur les êtres. Mais le cinéaste avance avec comme seul dogme la complexité humaine, et un inégalable talent pour faire cohabiter une telle désespérance et cette qualité de regard, anti-spectaculaire, qui jamais n’enferme dans des poncifs et stéréotypes – si ce n’est pour mieux les contrer. La damnation sociale n’est chez Wiseman jamais synonyme de condamnation, et il s’attache toujours à ce qui pourrait l’enrayer.

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